«Tout part à l’eau », « Cela va de plus en plus mal.», « C’était mieux avant, lors du bon vieux temps ! » Lequel ? On ne le dit jamais… Et pourtant, la nouvelle vient de tomber et c’est une bonne nouvelle : le monde va de mieux en mieux.
Par Véronique Mézille
Alphabétisation, pauvreté, violence, inégalités, réchauffement climatique…. L’impression dominante est que le monde va de plus en plus mal. Ainsi, neuf personnes sur dix seraient persuadées que le monde s’enfonce dans la misère et l’ONG Oxfam insiste dans ses rapports annuels : les inégalités explosent. Les ultra-riches accapareraient plus de 80% des richesses. Les médias, et ceux de Nouvelle-Calédonie n’échappent pas à la règle, nous inondent de mauvaises nouvelles. Triste réalité ? Besoin de se faire peur ? Plus vendeur ? Et pourtant, certains, et non des moindres, s’élèvent contre ce constat et clament publiquement : le monde va mieux. Depuis trente ans, il s’améliore. Pour la première fois, moins de 10% des individus vivent dans l’extrême pauvreté. On s’améliore aussi en termes de sous-nutrition, d’accès à l’eau potable, de réduction des maladies, d’espérance de vie, d’alphabétisation, de mortalité infantile, de conflits. Il ne s’agit pas de faire preuve d’un optimisme béat mais de seulement laisser les peurs et idées reçues de côté pour regarder et analyser objectivement les faits. Et, pour s’en convaincre un peu plus, écoutons Jacques Lecomte, auteur du livre « Le monde va beaucoup mieux que vous ne le croyez ! » (Les Arènes, 2017).
Le monde va beaucoup mieux que vous ne le croyez !
Dans son dernier livre, Jacques Lecomte nous invite à voir le verre à moitié plein et à opter pour « l’opti-réalisme ». Pas un optimisme béat, mais un optimisme de l’engagement et de l’action. Selon lui, l’année 2015 a été charnière en France, et les vagues d’attentats ont été ressenties très durement. « J’entendais beaucoup de gens dire vivement 2016. Je me suis demandé si la France et le monde allaient si mal que ça. Au même moment, l’Organisation des Nations Unies a publié son bilan des Objectifs du millénaire pour le développement (OMD). Adoptés en 2000, ils visaient à améliorer la vie humaine dans toutes ses dimensions (santé, éducation, démocratie…). Contrairement à de nombreux articles qui pointaient leurs insuffisances, j’ai découvert plein de résultats encourageants : une dynamique très forte de réduction de la mortalité infantile, de l’épidémie de sida… En 25 ans, deux milliards de personnes sont sorties de la faim, un milliard de la grande pauvreté. 2015 était plutôt une belle année, qui clôturait deux décennies de progrès. »
Face à ce constat qui trouve finalement peu d’échos dans les médias et le grand public, Jacques Lecomte souhaite porter plusieurs messages. « Le premier, c’est le titre : « Le monde va beaucoup mieux que vous ne le croyez ! ». Je présente de nombreux faits qui soutiennent cette affirmation, dans de nombreux domaines (santé, éducation, démocratie, environnement…). Juste quelques exemples : d’ici 2050, la couche d’ozone sera reconstituée si l’on continue sur la lancée actuelle. Pareil pour la famine, qui pourrait être éradiquée d’ici 2030 si on continue de fournir les efforts nécessaires. La criminalité a beaucoup baissé, notamment en France. En Ile-de-France, cette forme de violence a été divisée par trois en 20 ans ! »
Deux raisons principales expliquent ces améliorations. L’interdépendance, d’abord. « Quand des groupes humains se mettent autour d’une table et négocient, on obtient de belles réussites. C’est ce qui s’est passé notamment pour limiter la dégradation de la couche d’ozone : fonctionnaires internationaux, scientifiques, militants écologistes et industriels ont fini par trouver un terrain d’entente qui a profité à l’environnement. L’autre facteur clé de l’amélioration de la vie humaine, ce sont les belles réalisations de l’action communautaire. On a fait de gros progrès grâce à tous les agents, souvent des femmes, qui ont réussi à réunir les communautés, transmettre les savoirs, comme les mesures d’hygiène, par exemple. J’espère d’ailleurs que les Objectifs de développement durable (ODD) qui ont pris la suite des OMD vont permettre de creuses ces deux pistes. »
Son deuxième message, c’est que le monde ne va pas encore bien et qu’il pourrait donc s’améliorer. « Je termine chaque chapitre en rappelant que la prudence reste de mise. Il ne s’agit pas de dire que tout va bien, mais que le monde peut encore aller mieux. Enfin, j’essaie de montrer qu’on peut tirer profit de ces expériences d’amélioration pour les multiplier. »
Être opti-réaliste
Jacques Lecomte a développé le concept d’ « opti-réalisme », l’association de l’optimisme et du réalisme. « Les gens pensent souvent que les pessimistes sont des réalistes. Ce sont juste des… pessimistes ! Je ne donne en aucun cas une méthode ou une stratégie. Je ne défends pas un optimisme béat, mais un optimisme de l’action et de l’engagement, qui donne de l’espoir pour demain et l’envie d’agir. Je pense que le monde pourrait aller mieux si chacun se retroussait les manches et se bougeait là où il est, contre le mythe qui consiste à dire que seuls les dirigeants peuvent agir. J’aimerais que chacun se pose la question : Et moi, qu’est-ce que je peux faire pour ce monde ? ».
L’ ESCLAVAGE
Même s’il reste encore aujourd’hui des situations qualifiées d’esclavage, vingt à quarante millions de personnes dans le monde, l’esclavage est aujourd’hui, juridiquement et constitutionnellement, totalement aboli. Il ne faut pas oublier que jusqu’au XIXe siècle, l’esclavage ou le servage était une situation courante et que ce n’est qu’en 1968 que l’Arabie Saoudite l’a interdit tout comme le Pakistan en 1982. Progrès important s’il en est. Il ne reste « que » 0,5 % de la population mondiale subissant cette dramatique situation.
L’ EXTRÊME PAUVRETÉ
De 90% au début du XIXe siècle, l’extrême pauvreté est passée à 10,67% de la population mondiale disposant de moins de 1,90 $ par jour, selon la banque mondiale.
L’ ALPHABETISATION
Le taux d’alphabétisation d’un pays est révélateur d’un monde qui va bien ou pas. Jusqu’au début du XXe siècle, la moitié de la population mondiale ne savait ni lire ni écrire. Les pays occidentaux ont progressé dès le XIXe siècle, mais il a fallu attendre la deuxième moitié du XXe pour voir des progrès significatifs dans les pays les plus pauvres. Selon l’UNESCO, le taux d’alphabétisation inférieur à 50% des jeunes ne concerne plus aujourd’hui que quelques pays d’Afrique : la Guinée, le Mali, le Niger, la République Centrafricaine et le Soudan du sud. Toute l’Amérique latine et une grande partie de l’Asie se situent au-dessus de 90%.
L’ ÉGALITÉ HOMME/FEMME
Il reste bien sûr encore beaucoup à faire. Mais un retour sur les deux cent dernière années nous montre le chemin parcouru. Éducation, égalité professionnelle, parité politique, vie personnelle et familiale, lutte contre les violences à l’égard des femmes, ici aussi le monde va mieux quoiqu’on en dise.
Quelques dates, dans le droit français, pour s’en convaincre : en 1792, le mariage civil est mis en place et le divorce par consentement mutuel est autorisé. Dès 1836, l’enseignement primaire pour les filles est organisé. En 1900, c’est une loi qui ouvre le barreau aux femmes, tandis qu’une autre loi, en 1907, accorde aux femmes mariées la libre disposition de leur salaire. En 1944, c’est bien sûr le suffrage universel permettant pour la première fois aux femmes de voter et d’être éligibles dans les mêmes conditions que les hommes. En 1967, la contraception est autorisée et une loi de 1972 relative à l’égalité de rémunération entre les hommes et les femmes introduit le principe « à travail égal, salaire égal ». 1975 sera, sous l’égide de l’ONU, l’année internationale de la femme. La première Conférence mondiale sur les femmes adoptera, en septembre 1975, à Mexico City, le premier programme d’action mondial en faveur de la promotion des femmes. C’est également l’année de l’adoption de la loi dite Veil qui autorise l’IVG pour une période probatoire de 5 ans. En 1979, l’Assemblée générale des Nations Unies adopte la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes que la France ratifiera en 1983. Et ainsi de suite…. Le chemin a été celui d’une lutte sans faillir et ne concerne bien évidemment pas tous les pays. De nombreuses femmes de par le monde continuent de lutter contre l’excision, pour le droit à l’avortement, pour la qualification pénale du viol….
LA VIOLENCE RECULE
Même si le sentiment d’insécurité s’installe un peu partout (délinquance au quotidien dans les villes, attentats meurtriers, fusillade aux Etats-Unis), et malgré les deux guerres mondiales et de nombreux conflits, la violence recule constamment. Pour preuve, au Moyen Age, le taux d’homicide en Europe s’élevait à 32 pour 100 000. A la fin du XXe siècle, il est de 1 pour 100 000.
L’INDICE DE DÉVELOPPEMENT HUMAIN (IDH)
L’IDH, calculé par l’ONU, fournit une mesure globale des progrès réalisés dans le monde en mesurant le niveau de développement des pays, non pas simplement en terme de poids économique mais en prenant en considération des données telles que la santé, le niveau d’éducation et le niveau de vie. L’IDH établit un minimum et un maximum pour chacune des variables, appelés balises. La situation de chaque pays est indiquée par rapport à ces derniers, avec un résultat compris entre 0 et 1. Plus l’indice est élevé, plus la population du pays jouit d’un bien-être important.
Résultat ? Un progrès général, dans tous les pays du monde, sur trois décennies. En 1980, les États-Unis arrivaient en tête avec un IDH de 0,83 et le Niger était en dernière position avec un IDH de 0,19. En 2016, la Norvège arrive en tête avec un IDH de 0,94 et le Niger reste en dernière position mais son IDH a augmenté et est à 0,35.
Ces quelques exemples, que l’on pourrait multiplier, montrent qu’en moins de deux siècles, nous sommes sortis de la pauvreté généralisée, de l’ignorance complète, de l’esclavage… Mais cela n’est pas fini et de nombreux combats, notamment la lutte contre le réchauffement climatique, pour l’égalité homme/femme dans tous les pays, sont encore à mener.
« LE MONDE S’AMÉLIORE » , PAR BILL GATES
Dans un récent éditorial du Time, Bill Gates note que de nombreuses tendances – allant du taux de mortalité infantile au nombre de pays offrant désormais des protections pour les couples de même sexe – maintiennent une tournure positive. Ces nouvelles positives passent souvent inaperçues, les médias mettant l’accent sur les nouvelles négatives. « Ces événements – aussi horribles soient-ils – surviennent dans un contexte positif plus grand », écrit Gates. « Dans l’ensemble, le monde s’améliore. » Parmi ces développements positifs, il pointe une importante diminution du taux de mortalité infantile, un déclin spectaculaire de la proportion de la population mondiale qui vit dans l’extrême pauvreté, une forte augmentation du nombre d’enfants qui fréquentent l’école primaire dans le monde entier, des lois qui protègent les homosexuels, un nombre croissant de femmes dans le monde élues à des fonctions publiques. Bill Gates reproche ici aux médias de répandre un sentiment généralisé de pessimisme. « Les gens sont en effet plus susceptibles de lire de mauvaises nouvelles, ce qui encourage les organisations de presse à se concentrer sur les choses négatives », soutient-il.