Une journaliste du Médiacité est partie à la rencontre de professionnelles de santé pour comprendre l’origine de ce phénomène et les moyens de l’arrêter. Mais qu’est-ce que le fléau des « bébés coca » ? Virginie Menvielle a publié une enquête édifiante sur le sujet. En cause, les sodas, jus de fruits ou eau édulcorée dans les biberons responsables des dents cariées chez les nourrissons. Si pour certaines familles, la pratique semble anodine, elle n’en reste pas moins dangereuse pour la santé et le développement des enfants.
Pourquoi les boissons sucrées se retrouvent-elles dans les biberons ?
À l’origine de ce fléau, l’administration d’eau sucrée pour calmer les bébés pendant les actes douloureux comme la vaccination par exemple. Ces solutions, bien souvent médicales, sont contrôlées. En effet, on compte 24 à 30 % de saccharose ou 30 % de glucose. Malheureusement, l’épuisement des jeunes mamans face à des petits qui pleurent sans cesse associé au manque d’information augmente la croyance populaire en faveur du sucre pour apaiser et calmer. Il n’est pas rare de retrouver des réponses de ce genre sur les forums :
- « Mon bébé à des coliques, avez-vous testé l’eau sucrée ? »
- « C’est un remède bien connu, j’aime mieux ça que de le regarder souffrir.»
Pire, certaines femmes dont les enfants présentent des pathologies particulières se font conseiller par leur médecin de proposer du jus de fruits, voir du Coca-Cola. Ce partage d’expérience suffit parfois à laisser entendre qu’il n’y a pas de risque sur la santé. L’information se répand telle quelle comme une trainée de poudre, démocratisant la pratique.
Comme chaque nouveau goût ou nouvelle texture, certains parents s’amusent à proposer à leurs jeunes enfants des boissons gazéifiées pour observer leurs grimaces. Sans conscience du danger, ils en redonnent donc à plusieurs reprises. Ensuite, deux issues sont possibles : les familles habituées aux examens dentaires vont certainement consulter rapidement dès qu’elles auront constaté une anomalie sur les dents de leurs enfants. D’autres ménages, souvent les plus précaires, n’ont pas toujours le reflex ou les moyens de de se rendre chez le dentiste.
Quelles conséquences sur nos enfants
La dentition
La carie est une concentration de bactéries qui fabriquent des acides destinés à endommager toute la structure de la dent. Elle va creuser l’émail pour atteindre la pulpe. Cette dernière contient les nerfs et les vaisseaux sanguins. C’est donc bien souvent à ce moment-là que nous ressentons la douleur de cette maladie. Non traitée, cette affection entraine la destruction de la dent, certes, mais créé aussi des infections et une altération du bourgeon de la dent définitive qui se trouve déjà en dessous des dents de lait. Une consommation excessive d’aliments ou de boissons sucrées va empêcher la reminéralisation de l’émail qui deviendra alors très fragile.
La santé
Contrairement aux idées reçues, l’absorption abusive de sucre ne tend pas systématiquement à une prise de poids. Les bébés et les jeunes enfants peuvent donc développer des pathologies diverses alors même qu’on ne constate aucun changement corporel. Et les caries ne sont pas la seule conséquence d’une hyperconsommation de sucre chez les plus petits. Une ingestion excessive de la substance entraine des bouleversements chez le microbiote. Selon the journal of nutrition volume 147 numéro 1 de janvier 2017, le microbiote intestinal (la flore) s’est vu impliqué dans différents troubles métaboliques. Ainsi part une étude réalisée sur des rongeurs, les chercheurs ont mis en évidence que l’usage d’hydrate de carbone pendant la phase juvénile et adolescente, a modifié le microbiome intestinal sans lien avec l’apport calorique. Autrement dit, l’absorption de sucre en début de vie affecte l’organisme avant même l’apparition potentielle de symptômes physiques. Les professionnels de la santé désespèrent de ne pas faire entendre leurs voix aux côtés des institutions, mais aussi auprès de leurs patients. Ils expliquent que malgré leurs efforts pour expliquer l’importance d’une consommation d’eau prioritairement, les parents admettent qu’eux-mêmes n’en boivent pas, et ne voient pas particulièrement le problème.
Comment lutter contre ce fléau ?
Les principaux facteurs associés aux caries concernent la nutrition, le temps, la plaque dentaire et l’état de santé général. Même s’il existe d’autres facteurs non modifiables dans l’apparition de ces pathologies, la nutrition reste un facteur que les parents peuvent changer. L’aspect alimentaire et se rendre régulièrement chez le dentiste pour faire contrôler les dents de leurs enfants sont deux indispensables.
Une alimentation équilibrée
L’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) recommande l’allaitement exclusif de 0 à 6 mois. Il en est de même pour le lait infantile spécialement conçu pour les nourrissons. Cette alimentation fournit l’ensemble des besoins en vitamines, en eau, en minéraux, et en lactose qui contient l’hydrate de carbone nécessaire pour le bon fonctionnement des systèmes nerveux et immunitaires. Lorsque le petit est diversifié, il convient de respecter l’apport en macronutriments et surtout, de ne pas offrir de jus de fruits avant 6 mois. Ensuite, il est recommandé de ne pas donner de sucre ajouté avant 3 ans.
Attention : même si le lait reste important et essentiel, il est déconseillé de laisser l’enfant s’endormir avec son biberon. Cette habitude favorise la stagnation de la nourriture dans la bouche et les effets n’en sont pas moins dangereux.
Le brossage de dents
Il est recommandé de brosser les dents de son bébé dès l’émergence des premières dents. Au début, on utilisera plutôt une brosse adaptée, et de l’eau. Le dentifrice pourra être employé après 18 mois, ou quand l’enfant maitrisera parfaitement sa déglutition. Pour que les doses de fluor soient idéales, il convient de choisir un dentifrice adapté à l’âge de l’enfant. Par le brossage, et même sans produit, on élimine la plaque dentaire ce qui réduira considérablement le risque de carie.
La visite chez le dentiste
Vous pouvez envisager un contrôle chez le dentiste vers 3 ou 4 ans. Bien sûr, si vous constatez un problème avant, il ne faut pas hésiter à consulter : points noirs, détérioration, pousse inhabituelle, gencives colorées, réaction infectieuse… Tout ce que vous pouvez constater d’anormal doit être vérifié par un professionel.
Aujourd’hui, les professionnels de la santé et de la petite enfance sont démunis et seuls face à ce désastre pour l’hygiène des plus petits. Ils militent pour que des étiquettes « interdit aux moins de 6 ans » soient imprimées sur les bouteilles de soda, ou de boissons sucrées en générales. Autant que les mentions écrites sur les produits déconseillés aux femmes enceintes comme l’alcool, l’idée se veut informative et indicative à destination des parents mal sensibilisés. Au Mexique, par exemple, deux États ont proscrit la vente de ce type de produit aux moins de 18 ans.
Par Cindy Johnston