Chers amis, je ne vais pas y aller par quatre chemins. Il faut appeler un chat un chat, et il faut savoir regarder les choses en face. Notre agriculture locale est basée dans son immense majorité sur l’élevage, et c’est une catastrophe.
Par Quentin Folliasson pour VégéNC
L’élevage bovin : une catastrophe pour les calédoniens
Pour l’autonomie alimentaire du pays
Le cas de l’élevage bovin est le plus parlant de tous. Il monopolise 97 % de nos surfaces agricoles et de nombreuses subventions, pour un rendement ridicule. Il produit environ 3000 tonnes de viande à l’année. Et nous importons encore plus du tiers du boeuf consommé localement.1 Alors que la production végétale locale produit 25 000 tonnes (8 fois plus) sur le peu de surfaces restantes (en 2015). Malgré tous ses efforts, la filière bovine est incapable de nourrir les calédoniens. Elle monopolise l’espace et l’accès aux terres au détriment de cultures plus rentables et d’espaces naturels forestiers.
C’est simple, il faut 4 hectares de terre par tête de bétail pendant 2 ans pour récupérer au final environ 250 kilos de viande prête à consommer 2,3. Il suffit de quelques arbres fruitiers pour obtenir la même quantité de nourriture sur une seule saison. On compte les rendements des céréales, légumineuses, tubercules, tomates, choux et autres légumes… en dizaines de tonnes à l’hectare.
Pour l’environnement
Aujourd’hui, il ne reste plus que 1% de la forêt sèche qui recouvrait la côte Ouest originellement4. Elle a fait place aux grandes étendues de pâturages. Ces surfaces n’ont aucune chance de voir se (re)développer de la végétation endémique et des forêts. Les terres sont donc exposées à l’alternance des sécheresses et des inondations, qui lessivent les sols, emportent les sédiments dans les rivières puis le lagon, ce qui perturbe et détruit l’écosystème aquatique. Les forêts empêchent ce phénomène : 6 fois plus de rétention d’eau qu’un sol de prairie, maintient des sédiments, protection contre la sécheresse, habitat de biodiversité endémique, puits de carbone, filtrage de l’air.
L’élevage porcin : industriel et pas si local que ça
Saviez vous que le porc «local» était nourri avec des céréales importées à quasiment 100% ? 2
Saviez vous qu’il faut 6 kilos de protéines végétales pour produire 1 kilo de protéines de porc ? 5
Alors que la filière porcine se vante de couvrir 80% des besoins des calédoniens2, peut on honnêtement utiliser l’appellation «locale», puisqu’elle importe plus qu’elle ne produit ?
La filière est industrielle (1m² seulement par animal) et déficitaire sur la plan import / export, mais aussi sur le plan financier. Les éleveurs bénéficient de subventions d’argent public pour acheter la nourriture de leurs animaux2. Cela ne bénéficie pas aux consommateurs puisque les subventions sont financées en taxant…. d’autres produits d’imports2. Les prix se répercutent donc ailleurs. Et comme l’alimentation des porcs représente 80 % du coût de production2, une grande partie de l’argent dépensé part donc à l’étranger au détriment de l’économie locale.
Bilan
Pour manger de la viande d’élevage locale, il faut soit importer d’énormes quantités de nourriture, soit mobiliser d’immenses espaces au détriment des écosystèmes endémiques locaux. Mais il faut également conduire les animaux à l’abattoir, puis préserver la chaine du froid. Nous avons donc besoin d’immenses chambres froides, de camions réfrigérés, des rayons des magasins aux congélateurs… tout du long et jusqu’à l’assiette du consommateur. Alors que les céréales importées auraient pu être directement consommées par l’homme et conservées à température ambiante, évitant ainsi toute la chaine du froid, très consommatrice d’énergie.
Quelles solutions ?
Nous pouvons tous augmenter la part d’aliments végétaux de notre alimentation sans aucun soucis. En favorisant leur consommation au détriment de la viande, qui ne nous est pas indispensable pour vivre en bonne santé, on réduit considérablement l’espace que nous occupons sur la nature. C’est aussi un formidable moyen de faire des économies, il suffit de comparer les prix au kilo pour s’en rendre compte.
Si vous tenez absolument à la viande
Vous pouvez vous orienter vers de la viande de cerf sauvage, qui offre un bilan beaucoup plus positif en terme d’environnement. Le cerf est considéré comme espèce envahissante, ils sont aujourd’hui capturés, mis en élevage puis abattus par la filière cervidés. 20% sera exporté vers la métropole, ce qui signifie que le marché local ne suffit pas. Pourtant, nous importons plusieurs tonnes d’autres viandes de provenance industrielle. La filière cerfs a «produit» seulement 150 tonnes en 2016 (comparé aux 3000 tonnes bovines). En consommant une viande chassée plutôt qu’élevée puis abattue par la filière, vous évitez le stress causé par la capture, le transport et l’abattoir.
Evidemment, vous pouvez aussi vous en passer. La consommation de viande quelle qu’elle soit, augmente les risques de maladies cardio-vasculaires, de cancers, d’obésité, d’hypertension, d’insuffisance rénale, de problèmes articulaires (dont la goutte)… et de bien d’autres pathologies. Cela est dû à l’acidification de l’organisme, l’inflammation de son microbiote et la formation de plaques sur les artères.
A notre santé et celle de l’environnement de notre beau pays, nous consommateurs, avons le pouvoir de choisir. Car de notre argent dépendent l’existence et le développement des filières.
1 – ISEE.NC
2 – Reportage Calédonia : Au cœur de l’agriculture : élevage porcin, la filière en mutation (mai 2017) https://www.youtube.com/watch?v=OQv1JP3lbrw
3 – https://www.wagyuquebec.com/DuBoeufAuBifteck.pdf
4 – OEIL : https://www.oeil.nc/fr/natural-environment/t-s-che
5 – https://www.viande.info/
6 – ERPA : https://erpa.nc/index.php/filliere/categories/filieres-animales/filiere-cervides/
Cette situation de l’élevage est mondialement catastrophique. En Calédonie, on pourrait envisager une transition par le cerf pour les inconditionnels de la viande (il y en a beaucoup!). Le cerf est un nuisible à plus d’un titre : déforestation, ravage des cultures et, ce dont on ne parle JAMAIS : la mort des récifs. Même si la mine est responsable de dépôts dans les baies, j’ai une propriété qui rejette plus de 20 000 tonnes de terre dans la rivière CHAQUE ANNEE car l’humus de mes collines a disparu et la terre descend dans les ruisseaux à chaque pluie…c’est un spectacle affligeant.